C’est l’histoire d’une famille et du terrain où elle a vécu pendant quatre générations. Mais c’est aussi l’histoire de Downsview.
La famille Boake n’a pas « colonisé » Downsview. En effet, il existe des preuves archéologiques d’activités autochtones dans la région remontant à 11 000 ans.
Mais quoi de mieux pour raconter l’histoire des 200 dernières années de Downsview que l’histoire de la famille Boake et du lot 14?
Lorsqu’il a été arpenté pour la première fois à la fin du XVIIIe siècle, le lot 14 était une bande rectangulaire de terre forestière subdivisée en plusieurs concessions, au sud de l’actuelle avenue Sheppard, entre la rue Yonge à l’est et la rue Jane à l’ouest.
Les premières personnes à se voir accorder un titre de propriété ont été Charles et William White. Ils étaient les enfants de John White, premier procureur général du Haut-Canada, qui a été tué dans un duel avec le greffier du Conseil exécutif en 1800.
Les frères White n’ont jamais vécu sur le lot 14, mais ils en ont tiré profit en abattant des arbres et en vendant des parties de terrain à des colons désireux d’y pratiquer l’agriculture. C’est à ce moment que commence l’histoire de la famille Boake.
Edward et John Boake sont arrivés au Canada en provenance du comté de Tipperary, en Irlande, en 1824. Ils étaient parmi les premiers colons irlandais à s’établir dans la région. John se trouve du travail d’abattage d’arbres dans le secteur de la rue Bathurst et du chemin Davenport. En 1832, il épouse sa cousine germaine Rebecca Boake. Ils ont huit enfants.
Après s’être marié, John Boake commence à acheter des terres à Downsview, et une scierie dans la partie ouest du lot 14 de la 4e concession. Les grandes scies circulaires de la scierie étaient actionnées par des pagaies hydrauliques situées dans le ruisseau Black à proximité. Certaines des planches sciées à la scierie de John Boake ont été utilisées pour construire la route de planches de Gore Vaughn, aujourd’hui connue sous le nom de rue Dufferin.
Edward, le frère de John, épouse la demi‑sœur de Rebecca, Sarah Boake, en 1835. L’année suivante, ils construisent une maison en rondins sur le quart nord-ouest du lot 14, dans la 3e concession, à l’ouest de la rue Yonge. Quatorze de leurs quinze enfants y sont nés.
Vers 1860, ils construisent une deuxième maison, beaucoup plus imposante, près de l’actuelle intersection de l’avenue Sheppard et de la rue Keele. Ils la surnomment Locust Lodge, en référence aux robiniers (locust trees en anglais) qui l’entouraient. Au cours des 100 prochaines années, quatre générations de la famille Boake ont vécu dans cette maison.
Edward et Sarah élèvent des bovins de race Holstein, des porcs et des poulets sur les quelque 50 acres de terrain qu’ils ont défriché. Ils pratiquent aussi l’élevage de chevaux Clydesdale qu’ils vendent aux laiteries de Toronto pour tirer les chariots de livraison de lait. Dans les champs environnants, le couple cultive du blé, de l’avoine, de l’orge, du foin et du maïs.
Dans les années 1890, la ferme et le Locust Lodge appartiennent à Bartholomew J. Boake, treizième enfant d’Edward et de Sarah, qui les a léguées au deuxième de ses dix enfants, Harold F. Boake.
C’est alors les années 1920 et Downsview commence à changer.
De plus en plus, la tranquillité de la vie à la ferme est rompue par le bruit des moteurs dans le ciel. Downsview était le terrain le plus haut et le plus plat de la région de Toronto, ce qui en faisait l’emplacement idéal pour les premiers aérodromes de la ville.
En avril 1929, la société de Havilland Aircraft of Canada construit l’aérodrome de Havilland sur 70 acres de terres agricoles le long de l’avenue Sheppard Ouest. La société a acheté 20 de ces acres à H. F. Boake. En 1942, de Havilland possédait 50 acres supplémentaires dans le quart nord-est du lot 14. La société y construisait et y testait des avions comme le Mosquito et le Tiger Moth pour soutenir l’effort de guerre.
Ce qui avait été autrefois une forêt vierge, puis des terres agricoles de choix, était désormais utilisé à des fins militaires et industrielles. Les jours du Locust Lodge et de la ferme de la famille Boake à Downsview étaient comptés.
La fin est arrivée au début des années 1950. Une équipe du ministère de la Défense nationale s’est présentée au Locust Lodge, informant Harold Boake que sa ferme serait expropriée pour la construction d’une base militaire. Harold Boake recevrait un dédommagement de 800 $ l’acre.
Harold Boake était mécontent du prix, mais plus encore, il était bouleversé à l’idée de perdre la maison et la ferme que son père et son grand-père avaient construites, où sa famille avait prospéré pendant 80 ans. Il a fini par conclure un accord financier avec le gouvernement et a acheté une autre ferme à l’est de la rue Jane, au nord de la route 7. Dix ans plus tard, la majeure partie de cette ferme a été expropriée par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.
Aujourd’hui, les descendants de John et d’Edward Boake se comptent par milliers. On les trouve dans des villes et villages partout en Amérique du Nord. Bien que la région de Downsview ne compte plus aucun descendant de la famille, celle-ci est fière du rôle qu’elle a joué dans l’histoire de cette région.
Lorsque la base des forces canadiennes de Toronto a été fermée dans les années 1990, la famille a proposé le nom « H.F. Boake Park » pour le nouveau parc fédéral qui occuperait une partie des terrains de Downsview. Cette idée a évolué en une stratégie pour nommer le boisé qui bordait le Locust Lodge, la maison qui avait été démolie dans les années 1950. Dans le cadre du plan directeur du Parc Downsview, cette population d’arbres matures, dont certains avaient été plantés par H.F. Boake, a été nommée boisé Boake.
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