Appelons cet avion le plus beau cadeau de Downsview au monde de l’aviation.
Au cours de ses cinquante années d’exploitation, l’usine de la Havilland Aircraft of Canada à Downsview a développé avec succès de nombreux avions – le Mosquito, le Tiger Moth, le Chipmunk, le Buffalo, le Twin Otter, pour n’en citer que quelques-uns – mais aucun n’a eu le même impact que le DHC-2 Beaver.
À deux reprises, la Monnaie royale canadienne a honoré le Beaver de la société de Havilland en plaçant son image sur des pièces de monnaie, en 1999 et en 2008. En outre, la Commission du centenaire de l’ingénierie canadienne l’a classé parmi les dix principales réalisations du XXe siècle en matière d’ingénierie.
Comme tous les fabricants d’aéronefs vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, la société de Havilland a cherché un moyen de passer d’une production en temps de guerre à une production en temps de paix. En tête de sa liste de priorités figurait le développement d’un nouvel avion de brousse canadien. Le ministère des Terres et des Forêts d’alors ayant déjà manifesté son intérêt pour l’achat de 25 avions pouvant être utilisés sur le terrain escarpé du nord de l’Ontario. L’entreprise avait donc toute la motivation nécessaire pour entreprendre le projet.
En janvier 1947, la société de Havilland a engagé le légendaire C.H. « Punch » Dickins, pilote de brousse canadienne dont l’expérience remontait à 1928, comme directeur de projet. Monsieur Dickins a interrogé des dizaines de ses collègues pilotes de brousse pour connaître les aspects qu’ils souhaitaient voir intégrés au nouvel avion. « Beaucoup de puissance », lui ont-ils répondu. Ils recherchaient également un avion capable de décoller et d’atterrir dans des espaces restreints, un avion assez robuste pour le territoire escarpé qui devait être desservi, disposant de beaucoup d’espace pour le fret et pouvant facilement être adapté pour les roues, les skis et les flotteurs.
Les ingénieurs de la société de Havilland se sont mis au travail. Ils ont choisi le moteur Wasp Junior de 450 chevaux, de Pratt & Whitney pour répondre aux besoins de puissance. Pour permettre un décollage et un atterrissage rapides, ils ont allongé les ailes et les ont montées sur les épaules de l’avion. Ils ont élargi les portes pour faciliter le chargement et le déchargement. En plus du pilote, l’avion pouvait transporter cinq passagers, et tous les sièges, à l’exception de celui du pilote, pouvaient être retirés pour augmenter la capacité de chargement. Le carburant était stocké dans des réservoirs facilement accessibles, sous le plancher. Et pour ajouter à la robustesse, l’avion a été entièrement construit en métal, et ce, pour la toute première fois.
Lorsqu’est venu le temps de baptiser l’avion, une seule option était possible. Cet avion destiné au dur travail a été nommé d’après l’animal le plus travaillant du Nord canadien : le castor.
Peu après, on pouvait apercevoir cet avion un peu partout. Le Beaver a joué un rôle essentiel dans l’ouverture du Nord canadien au tourisme et à l’extraction de ressources. En outre, sa vente ne s’est pas limitée au Canada. Dans un article paru dans The Globe and Mail en 1953, on pouvait lire que le Beaver était « une silhouette familière sur les six continents, dans plus de 20 États souverains et dépendances territoriales, sur les fronts de guerre, dans les centres de villégiature, sous les tropiques et aux deux pôles glacés ».
Le Beaver est l’un des avions les plus rentables que la société de Havilland ait jamais produits, en grande partie grâce à sa popularité aux États-Unis. En 1951, le fabricant a inscrit le Beaver à un concours organisé par l’armée américaine pour trouver un remplacement à sa flotte vieillissante d’appareils Cessna. L’avion canadien a fait face à une rude concurrence américaine et à une certaine opposition du Congrès, mais il en est sorti victorieux. Sur les quelque 1 700 Beaver produits entre 1947 et 1967, près de mille ont été achetés par l’armée américaine, ce qui en fait de loin le plus gros acheteur de l’avion. L’avion a servi en Corée et au Vietnam, principalement pour des opérations de sauvetage, de transport de fret et de passagers, et de photographie aérienne.
Aujourd’hui, plus d’un demi-siècle après que le dernier Beaver est sorti de l’usine de montage de Downsview, il reste l’un des avions les plus appréciés de tous les temps. Des centaines d’entre eux sont encore en service. Les affréteurs convoitent toujours le Beaver pour livrer des fournitures essentielles et transporter des gens dans des coins reculés du monde pour, pêcher, chasser ou observer la faune. Certains de ces avions appartiennent à des collectionneurs privés, comme l’acteur de la Guerre des étoiles Harrison Ford. On peut en trouver encore bien d’autres dans les musées de l’aviation.
Et ce qui témoigne peut-être le mieux de l’attrait durable du Beaver, c’est qu’il coûtait environ 20 000 $ à l’état neuf à la fin des années 1940, alors qu’il en coûte aujourd’hui jusqu’à un demi-million.
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